Quelques battement de guitares et c’est parti. Par la grâce d’une ouverture de rideau et de la pleine lumière sur la scène, les 850 choristes du Grand chœur surgissent et c’est à chaque fois comme une première apparition de matin du monde.
Sans crier gare, ils nous entraînent pour une virée "dans les champs de blés" ("Les Tournesols" de Marc Lavoine) et affirment un "goût de la liberté" qui attire d’emblée les faveurs du public d’Argence, tout prêt à en découdre amoureusement.
Pas avares en tubes anciens et récents, les choristes s’approprient "le Parking des anges" (Lavoine), entièrement redéployé par l’harmonisation (sans la boîte à rythmes années 80 !), en nous faisant subtilement redécouvrir paroles et mélodie.
Selon la tradition - à chaque fois un défi musical et artistique pour les concepteurs ! -, le concert tisse un entrelacs de chansons des invités d’honneur du festival, Camélia Jordana, Les Innocents et Marc Lavoine, reliés chacun, en cette 32ème édition des Nuits, par ce "LOVE QUI PEUT" sensuel et généreux. Tout un programme qui prend, au gré des compositions, la couleur de la promesse, du regret ou de la jubilation.
Ainsi, le spectacle compose une heureuse alternance entre la pop folk joyeuse et tonique des "Innocents", leurs cavalcades résolues ("L’Autre Finistère", "Apache"…), et la tendresse romantique et mélancolique des complaintes de Marc Lavoine ("Je reviens à toi", "Chère amie"…)."
La masse immense du Grand chœur étonne par ses subites accélérations, son agilité, sa puissance comme depuis l’intérieur d’une cheminée qui pourrait s’élever sans fin, la douceur démultipliée de ses "mots de velours".
Pour rendre tout à fait justice au travail des choristes comme de leurs chefs, il faut s’approcher d’eux jusqu’à distinguer chaque visage. On surprend ici et là l’intensité d’un regard, non pas jouant mais vivant intimement les émotions du personnage. "Le parfum des beaux jours, je ne sens plus … J’ai tout oublié quand tu m’as oubliée." Les expressions, leur implication sont poignantes. La délicieuse tristesse de "J’ai tout oublié" (Lavoine) s’achève bouches fermées, dans le suspens d’une extase amoureuse.
En milieu de parcours, J.P. Nataf et Jean Chri (Les Innocents) trouvent naturellement une place au cœur du chœur et mettent le public au défi de courir aussi vite qu’eux : "On est presque aussi nombreux que vous, et en plus on est hyper-entraînés !" Le sprint de "J’ai couru", avec le renfort des 850 déhanchés, se termine en folle cavalcade, à perdre haleine.
Marc Lavoine à son tour trouve son aise au centre du Chœur, esquisse malicieusement quelques pas de danse avec la cheffe (Stéphanie Stozicky) à dix mètres de distance !, avant de nous entraîner tous dans une immense "biguine avec" lui.
Le final est à l’avenant, les spectateurs, debout, tellement désireux de garder le Chœur serré contre eux, provoquent une reprise - un "bis", chose rarissime ! - des "Tournesols".
Dans la cohue, Les Innocents tiennent ferme le trident de leur guitare, Marc Lavoine laisse échapper des éclats de rire, soulevé par le plaisir qu’il prend. Une joie générale s’empare du millier de personnes sur scène, dans un formidable unisson in love.
Thibaut Gobry