Love qui peut ! On a beau savoir que le nom des 32èmes Nuits de Champagne est emprunté aux Innocents, personne ne peut refuser à Marc Lavoine, autre invité d’honneur, la place du cœur. Surprenant son monde en entrant par le public, au milieu des gens, le chanteur affirme d’emblée sa soif de contact, son désir de liens. "Je te tiens, tu me tiens par la main car l’essentiel, c’est de vivre avec toi... avec toi".
Expressif, généreux en paroles comme en gestes, le chanteur et acteur capte puissamment le public d’Argence, par ses mélodies efficaces, l’évocation de sa jeunesse et les figures fondatrices, toujours vivantes en lui, de ses parents. Son grand-père Riton qui l’appelait Trouduc (!), sa mère, qui était croyante et qui croyait… en lui.
Ses chansons dessinent un personnage pour qui le regard de l’autre, sa présence et son affection, sont essentiels. "Sans toi, je ne suis plus tout à fait moi". Un homme dont le cœur est inquiet de la possible perte de l’autre, de la solitude qui guette, du temps qui ne revient jamais. "Toi mon amour, est-ce que tu m’aimes toujours ?" Il est comme ça Marco, chanter, pour lui, c’est toujours un peu "traverser sa peine, comme le vent dans la plaine".
L’artiste qui assume profondément cette mélancolie sentimentale est aussi un compagnon plein de chaleur, franc, direct, qui descend dans les travées pour toucher charnellement son public. Avec un sens aigu de l’art dramatique, il se délecte de se raconter lui-même (car quand il pense à un sujet de haut niveau, il pense à lui !), avec un aplomb et un humour qui lui permettent tout. On lui dit souvent qu’il est bourré de qualités. "C’est vrai, est-il obligé d’acquiescer, et sa première qualité… la modestie."
Dans la tradition d’une "variété" qui ne rompt pas avec l’héritage des poètes, Lavoine revient irrésistiblement à ces derniers, cite volontiers leurs vers : "J’avoue que j’ai vécu" (Neruda) ou "Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard" (Aragon). L’amour enfui, l’autre disparu, c’est bel et bien la poésie qui reste au cœur comme une présence plus vaste. "Si c’est Dieu qui l’a voulu, c’est un jour de joie / Il y a de la poésie dans cette vie, je crois". Presque comme une mystique.
Texte : Thibaut Gobry
Crédit Photo : José Garandel