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Ils colorent les Nuits

Camélia Jordana et les Innocents, invités d’honneur du festival, se partagent le plateau pour une très riche première soirée.

Toute de blanc vêtue, Camélia Jordana ouvre le bal, s’installant au centre de la scène avec l’assise et l’aplomb étonnants d’une artiste qui aurait déjà quarante années de carrière.
En Shéhérazade sans manière, la jeune femme nous entraîne dans l’univers languissant, habité, sombre et solaire à la fois, de ses chansons en formes de contes. D’emblée, avec "Gangster", elle imagine la voix d’un peuple qui s’adresse à son leader, "de façon ludique bien sûr" (!), et l’on saisit tout de suite ce rapport au monde très concerné, et conscient, qui l’habite. La chanson "Empire", parmi d’autres le confirme, tandis qu’elle s’adresse aux gens de sa génération - celle qui a connu les attentats terroristes à la vingtaine - et leur envoie un grand baiser le poing levé.

Elle ponctue volontiers ses interventions d’un éclat de rire rapide et généreux, mais on sent chez elle la gaieté inquiète. Sa célèbre voix (découverte lors d’une émission TV), dont le grain est profond et chaud, s’éraille parfois comme la marque d’une fêlure - dont elle aurait à témoigner, têtue, exigeante, dans une quête nécessaire de lumière.

Dans des tonalités soul, urbaine et africaine, ses chansons mélangent les langues - le français de son pays, l’anglais de la pop et l’arabe de ses ancêtres -, mais s’étirent aussi volontiers en longs points d’orgue a capella et soudain sans paroles. L’ode se déploie alors en chœurs languissants épurés, vibrants, et touchent à une sorte de mystique.

Thibaut Gobry