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Barcella, seul mais bien accompagné

A peine 10 heures. Octobre est tout gris mais se radoucit, dehors comme dedans. Derrière les murs du conservatoire, Manon, Sarah, Lilian, Amélia, Gaspard et toute une bande haute comme trois pommes sont accueillis par les équipes d’Unicef Aube et de la Junior Association avant de se préparer à une expérience inédite à leur jeune âge : ouvrir le soir même « Tournepouce », la nouvelle création musicale de Barcella. Fabrice, chef de chœur, et Christophe, pianiste, rassemblent tout le monde au milieu de la salle, avec pour objectif de maîtriser, en deux heures chrono et sur le bout des doigts et des cordes vocales, deux chansons du répertoire de l’auteur-compositeur-interprète rémois.

Monté sur ressorts, Fabrice s’emploie à coups de jeux corporels et vocaux à anéantir tout trac : la scène, on y est déjà, le public, on n’a qu’à l’imaginer. Commence alors l’immersion dans Le cahier de vacances, le premier titre : « - On est en vacances, à la plage, on pense au marchand de glaces et à tous ses parfums. - Même au Nutella ? » S’enquiert l’une des choristes du jour. Au refrain, les notes montent, les mots explosent, le piano rattrape les égarés. L’un après l’autre, les couplets sont dévorés, sans en perdre une ligne, même celle qui parle des dictées à la con et qu’on aura le droit de dire parce que c’est dans la chanson. A la même cadence, on imprime au fond des neurones le texte de Sur la route, en déployant toujours plus d’expressivité à chaque reprise. Quand les pieds se mettent à marquer le tempo d’eux-mêmes, on se dit que c’est gagné. Fabrice semble ravi de voir ses jeunes recrues faire corps en si peu de temps. « On se revoit quand même juste avant le concert », lance-t-il avant de les laisser retrouver leurs parents. Pour les derniers réglages d’avant-match.

18 heures. Sur le côté de la scène de la Chapelle Argence, les futurs baptisés balancent entre impatience et appréhension. C’est le piano de Christophe qui, de ses notes, va chasser la peur, intimant à chacun de se jeter à l’eau pour mieux s’envoler. On sait aussi l’appui infaillible de Fabrice, tous gestes dehors, mais on essaie de se dire que ce n’est pas possible, cette belle ferveur qui ne trébuche presque pas ne peut pas dater d’à peine ce matin, et pourtant... L’espace de ces deux chansons, l’énergie contamine la salle, circule et revient aux envoyeurs, qui quittent les projecteurs yeux brillants, cœur léger.

A cette parenthèse enchantée succède une autre : Pierrot mystique, vagabond bavard, Barcella déroule, le temps d’un tour d’aiguille grande comme celle qui orne l’énorme réveil sur scène, la balade introspective du solitaire Tournepouce en terre désolée des rêves, entre confessions du vent, sanglots de chapeaux et appel au chant de tous les oiseaux, galinettes cendrées incluses. Puis, au moment de se quitter, organise le rappel impromptu des nouveaux héros de la journée, pour chanter ensemble, une ultime fois, Le cahier de vacances. Celui-là, c’est certain, ils l’emmèneront jusque sur le sable l’été prochain.

Virgile G. - Le Troisième Œil