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Allez chanter dedans !

Au fil des éditions, l’atelier chanson / concert des Nuits de Champagne s’est mû en exercice de style bien rôdé : après Aldebert et Barcella, Thomas Pitiot, infatigable routard au répertoire transgénérationnel, complète le tableau de chasse du projet en confiant, à l’occasion de son dernier spectacle « Allez jouer dehors », deux de ses propres chansons à de petites mains chargées de devenir expertes le jour même.

Quinze têtes blondes sont accueillies ce matin dans la salle du Conservatoire par Christophe Allègre, prêt à faire cavaler le piano, et Fabrice Pereira, l’énergique chef de choeur. « Votre métier aujourd’hui, sur votre badge, c’est chanteur », explique ce dernier pour mieux allumer les regards d’Inaya, Gaspar, Léanne, Arthur et de tous leurs camarades. La mission, que tous ces timbres de voix n’en fassent plus qu’un. Pour apprendre à la petite troupe à jouer collectif tout en gérant l’espace, Fabrice entame un véritable rituel d’intégration, où il faut arpenter le parquet en sautant brusquement en l’air ou en marchant à reculons, s’écouter, interagir et joindre le geste à la parole pour mieux la théâtraliser.

Pour parfaire cette mise en jambes courtes, Christophe propulse au clavier la rythmique de Balakissa pendant que Fabrice en scande les paroles. Nul ne semble s’en être rendu compte, mais l’apprentissage a commencé. « Balakissa a une famille, on imagine ses parents, son petit frère, son envie de faire du ski même si elle n’a jamais vu la neige » : voix, mémoire et corps travaillent de concert pour donner vie à la chanson.

Alors que le groupe déplie vivement l’histoire de Mamie Jeanine et de ses assourdissants bisous, le piano se fait soudain rattraper par les accords d’une guitare faufilée par la porte d’entrée. A son extrémité, Thomas Pitiot en chair et en malice, ravi de surprendre les apprentis choristes. « Je sais qui c’est, je t’ai vu sur le portable à la maison ! » s’écrie une petite voix au fond. En-dehors de cet intermède et d’une pause cake / jus d’orange pas volée, le coaching vocal et scénique n’aura offert aucun répit.

Avant le concert, Fabrice refait le point avec les enfants quant au déroulement de la dernière répétition sur scène. Les questions fusent : « On va aller dans la vraie salle ? Est-ce qu’on aura un micro ? » On les croit moins inquiets que curieux, mais au moment de lever le rideau, on entend presque leur cœur battre... qu’ils mettent dans la balance, le temps de prendre leur élan sur la première chanson, pour redoubler de voix sur la suivante. Applaudissements, respiration, c’est déjà fini. On redescend plus vite de la scène que dans sa tête.

Quand Thomas Pitiot prend possession de la Chapelle Argence, c’est à nouveau cet univers habillé d’angoisses enfantines universelles, d’histoires de fond de classe et de cour de récré qui vit ; show solaire et complice s’achevant en carnaval imaginaire, melting pot musical dense et dansant où tout le monde peut se retrouver et emporter avec soi, comme nos baptisés scéniques du jour, un peu de Balakissa et de Mamie Jeanine.

Virgile Gauthrot